Jake sort de prison et revient à la « vie normale ». Pourtant, la lumière semble derrière lui.
Mon confinement est une peine. Monsieur le Président, ne me parlez pas d’opportunité de lecture, de prise de nouvelles auprès de ceux que l’on aime à distance, de reconnexion avec soi-même… J’ai déjà du mal à convoquer mon propre esprit, à le mettre en ordre de marche, à en contraindre l’avancée et à m’éviter de flipper. Pour preuve, je développe des TOC, des névroses, des angoisses. Je fais le ménage, je passe l’aspirateur, je range, nettoie, lave tout ce qui peut l’être, pour étendre un temps aussi long que le Tancarville.
« On va tous mourir ». Jugement dernier. Mais non ! Messie… Et si ? Et si cela durait plus longtemps ? Et si on restait « comme ça », jusqu’à la fin des temps ? Re-angoisse.
Et les enfants, là, tourbillonnant tout autour de moi… J’ai l’impression qu’ils sont dans mon crâne. Nous avons dû nous transformer en instits tendance Freinet, en ATSEM, en AVS, en cantinière, en aide-ménagère, en aide aux devoirs, en garde-chiourme, père fouettard, mamie gâteau, tonton créatif et en Ginette Mathiot…
Du coup, je ne sais plus où donner de la tête. Qui me tourne. Alors je tourne du chapeau. L’évanouissement est proche et récurrent. Mes émotions me saturent, finissent par me dépasser en vagues et déferlantes. J’essaie de maîtriser ce flux… avec autant d’efficacité que les Danaïdes.
Ma psyché est saccagée
Je cherche à philosopher, à prendre les « événements » comme un sage. J’essaie de me poser des questions profondes, comme « et si la distance aux autres, imposée, me permettait de me rapprocher de ma famille et de l’essentiel ? » Mais le quotidien revient, m’envahit. Est-il normal que je craque à tous les voir, là, aussi mal que moi d’ailleurs ? Je n’arrive pas à résoudre cette interrogation, faute de concentration. Comme si rester à l’intérieur de mon domicile ne pouvait que m’obliger de rester figé à l’intérieur de mon être, de chez moi. Impossible de plonger dans un livre non plus. Alors j’angoisse à l’idée de devenir déneuronné ; un mal de tête sourd… Et dire que le Doliprane est rationné…
Mon corps est saccagé.
Je me néglige physiquement. Mon hygiène tend à être limite.
Je psychote, je grignote. J’allonge mes pause déjeuner ; je fais du gras. La flemme me gagne, ma silhouette s’empâte, mes muscles se flétrissent. Le sport est un souvenir.
Et je somatise. « Le dos courbé, les mains croisées, triste » ? Le gel hydroalcoolique m’avait asséché les mains ; là, ma gorge se serre, répondant à mes angoisses ; le psoriasis s’empare de plis plus nombreux ; mes pieds et mes jambes n’ont plus de veine.
J’ai l’impression d’être parqué, emmuré vivant. Je pleure en regardant, larvesque mais avec les enfants, Une saison au Zoo. Et la flèche transperce mon cœur. J’en pleure. Ces animaux, c’est moi, c’est nous, c’est Jake.
Ma psyché et mon corps sont saccagés.
***
Lire la suite : Le blues de la sortie du Covid-19
Pour la lecture…
Jake est le personnage des Blues Brothers qui sort de prison. Le nom de la prison est Joliet. Quand il rejoint son frère Elwood, devant les portes du pénitencier (qui, pour une fois se sont ouvertes), le générique de début est envoyé, avec en bande son « She Caught the Katy », qui n’est pas un prénom, mais le nom de la desserte ferrée Missouri–Kansas–Texas. Ils chercheront à reformer leur groupe, les Blues Brothers, afin de récolter des fonds pour la Mission qui les a élevés ; ils sont donc « en mission pour le Seigneur ».
0 commentaire