Eros… Ces jeunes filles peintes par John William Waterhouse dans un style préraphaélite moderne, sont  sexy, sensuelles, délicates, douces. Leur coiffure, leurs vêtements, dénudant ici une épaule, dévoilant là leur poitrine dans des poses graciles, interpellent, piquent, séduisent…

Thanatos… Mais ces belles sont dangereuses : 49 sœurs, les Danaïdes ont assassiné leur mari pendant leur nuit de noces et ont été condamnées à remplir éternellement des tonneaux aux Enfers. Leur dangerosité n’est compréhensible que par leur statut (ou à la lecture du titre de l’œuvre). Le sens aurait été tout autre si elles étaient des porteuses d’eau, des nymphes accompagnant Diane, des sirènes… Le vase de René Lalique, Danaïdes, opalescent prête lui aussi au doute.

Les Danaïdes, femmes fatales

Ces belles enchanteresses, prisonnières au Tartare semblent insensibles et résignées à leur condamnation, à leur fatum, leur destin. D’ailleurs, elles ne se sont pas révoltées contre la décision de leur père (sauf l’ainée, Hypermnestre, épargnée par son mari Lyncée et par le tribunal des Juges des Morts), ne l’ont pas tué, elles ne se sont pas non plus suicidées suite à leur crime, elles n’ont pas fuit Argos… Pourquoi ? Ce n’est pas la seule question…

Les Danaïdes nous interpellent et nous renvoient à notre inconscient : « Qu’aurais-je fait à la place d’une des sœurs d’Hypermnestre ? », « Qu’aurais-je fait à la place d’Hypermnestre ? » « Et à la place de Lyncée ? » De plus, « qu’aurais-je fait à la place de Danaos, leur père ? » « N’ai-je jamais imposé des comportements, des décisions à mes enfants ? » « Lorsque j’étais enfant, me suis-je opposé à une décision que j’estimais inappropriée d’un parent ? » « Ai-je été conduit à me sacrifier pour respecter un engagement pris par un autre que je ne pouvais parjurer (Horace) ni contredire ? » « Pour quelle raisons dans ma vie personnelle et psychique ? »

Les Danaïdes, entre Eros et Thanatos

En regardant cette œuvre, je m’évade en moi et en mes expériences, je rapproche, je soupèse, je balance…

Car dans Les Danaïdes, se produit un balancement entre Eros et Thanatos, oscillant entre la séduction et l’effroi, le sensuel et le froid, la fascination et la compassion, la compréhension des motifs de leur crime et de leur condamnation. Balancement encore entre l’horizontalité et la verticalité, entre ces femmes un instant meurtrières placées en haut de la composition, et l’eau, symbole de la vie, en bas, qu’elles déversent pour l’éternité, tranquillement, imperturbablement, mais assurément….

Comme le temps qui s’écoule, comme la peine vaine et absurde qu’elles purgent, tel Sisyphe, dans un infernum ad infinitum.

Par contre, pourrait-on imaginer les Danaïdes heureuses ?

Les Danaïdes, John William Waterhouse, 1903

***

Cet article a aussi été publié sur par l’Institut Français de Psychanalyse, merci !

Aller plus loin

Références de l’œuvre : Les Danaïdes, John William Waterhouse, 1903

Antonio Salieri, Les Danaïdes

Liens avec la psychanalyse : Eros, Thanatos, névrose


0 commentaire

Laisser un commentaire

Avatar placeholder

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.